Le remboursement des prothèses sportives sous l’angle de l’économie de la santé
Début juin, le centre de rééducation de l’UZ Gent a organisé « Blades on Track », une compétition de blade running accompagnée d’un symposium scientifique. L’objectif : évoquer le fait que chaque utilisateur de prothèse devrait pouvoir courir sur des lames. Ce n’est actuellement pas possible pour tous les patients amputés, notamment parce que les prothèses sportives ne sont pas remboursées en Belgique.
« Pourtant, la course à pied rend plus fort physiquement et mentalement », explique Dr Sybille Geers, active au sein du département de médecine physique et de rééducation de l’UZ Gent. Krista Bracke confirme que reprendre la course à pied a changé sa vie. Lors du symposium scientifique, auquel le ministre flamand des sports, Ben Weyts, a également assisté, un appel a été lancé pour investir davantage dans la recherche scientifique sur les effets positifs de la course sur lames, dans l’optique d’un potentiel remboursement.
Dr Amber Werbrouck, économiste de la santé invitée au symposium, explique qu’une analyse scientifique est nécessaire pour pouvoir évaluer l’effet économique sur la santé de la course à pied sur lames.
Le principe de l’économie de la santé
« Les demandes de remboursement de nouveaux médicaments, dispositifs médicaux ou traitements chirurgicaux sont nombreuses », ajoute Dr Werbrouck. « De l’autre côté, les décideurs politiques disposent de peu de moyens pour investir dans nos soins de santé. Ils veulent en effet les dépenser de la manière la plus efficace possible tout en optimisant les avantages en matière de santé pour la population. Du point de vue de l’économie de la santé, il est donc question d’identifier l’équilibre entre le potentiel avantage pour la santé et les coûts ou économies », poursuit Dr Werbrouck.
« Les autorités fédérales, les hôpitaux et les entreprises privées tentent d’objectiver le débat autour du remboursement de certains dispositifs ou traitements à travers une analyse économique de la santé. C’est donc un élément qui revient souvent dans les dossiers de demande de remboursement. Actuellement, aucune analyse de ce type n’existe pour les lames. Au vu du grand nombre de coureurs sur lames, de professionnels de la santé et de médecins présents à Blades on Track, il semble que les utilisateurs de prothèses doivent encore rembourser les prothèses sportives. Une analyse économique de la santé serait donc une suite logique justifiée.
L’effet sur la santé
« Pour pouvoir réaliser une analyse économique de la santé sur les lames, nous devons d’abord nous demander quels sont les effets positifs sur la santé des lames, tant sur le court terme que sur le long terme. Quel est l’impact cardiovasculaire ? La course sur lames réduit-elle le risque de surpoids ou d’obésité et d’affections chroniques qui y sont liées ? Quel effet ont-elles sur le bien-être mental ? Nous devons d’abord répondre à ces questions. Ensuite, il convient de traduire les résultats de ces études en effets génériques sur la santé, comme l’impact sur la qualité de vie et l’espérance de vie. »
« Outre les effets positifs sur la santé, il faut également analyser les éventuels risques pour la santé à court et à long terme. Il faut se demander quel est le risque de développer des plaies lorsque l’on pratique la course à lames. Il faut peser les risques potentiels, comme les plaies, la surcharge, les infections ou les affections chroniques telles que l’arthrose face aux effets positifs sur la santé. »
Actuellement, de nombreuses études mettent en avant les effets positifs sur la santé de la course dans le cadre de différentes affections. Mais aucune ne porte encore sur la course sur lames chez les personnes amputées d’un membre.
L’effet économique
« En plus de l’effet sur la santé, les décideurs politiques souhaitent pouvoir évaluer l’effet économique d’un remboursement. Il faut donc analyser les coûts et les économies potentielles. »
« Du point de vue des coûts, il faut tenir compte du coût de la lame, de sa durée de vie moyenne et de l’existence éventuelle d’autres frais comme les entraînements ou d’autres soins. »
« À l’opposé, il faut se demander si la course sur lames peut entraîner des économies, comme la réduction des besoins en soins sur le long terme ou l’impact positif sur la participation au travail. Ces facteurs peuvent influencer positivement la productivité et par conséquent la contribution économique des coureurs sur lames. »
Le rapport entre effet sur la santé et effet économique
« La dernière étape consiste à analyser le rapport entre effet sur la santé et effet économique. Cela implique de pondérer le potentiel avantage pour la santé par rapport aux coûts nets. Cette comparaison est souvent exprimée par le coût par Quality Adjusted Life Year (QALY), où 1 QALY correspond à 1 année en parfaite santé. Cette mesure permet de comparer objectivement l’effet économique sur la santé d’un nouveau traitement contre le cancer, par exemple, à l’effet sur la santé de la course sur lames. »
Que nous réserve l’avenir ?
« Une analyse économique de la santé permettrait d’objectiver le débat autour du remboursement des lames et de l’étayer à l’aide de chiffres. Il convient de noter ici qu’un remboursement ne doit pas forcément réduire les frais. Il doit plutôt être rentable. La Belgique investit beaucoup dans les soins de santé. L’investissement dans le remboursement des lames serait donc justifié, à supposer que leur effet positif sur la santé puisse être démontré », conclut Dr Amber Werbrouck.
En attendant, « Blades on Track » a réussi à mettre en avant la problématique du remboursement des prothèses sportives. Il convient désormais de poursuivre les efforts en réalisant d’autres études scientifiques sur les effets de la course sur lames. Une chose est sûre, Dr Geers, Krista Bracke et les autres coureurs sur lames sont prêts à apporter leur soutien.
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